L’accès pour tous à la culture scientifique et technique à travers une politique de diffusion des connaissances scientifiques n’est pas un objectif aussi récent qu’on pourrait le penser. Du Musée national des techniques, créé en 1794, à la Cité des sciences et de l’industrie, qui a vu le jour en 1985 dans le parc de la Villette, en passant par l’Exploratorium de San Francisco, fondé en 1969, une certaine continuité s’établit.
En France, les principaux musées scientifiques et techniques, généralement liés à l’État, sont situés, pour la plupart, dans Paris: le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est propriétaire du Musée national des techniques, du Muséum d’histoire naturelle et du palais de la Découverte. Par contre, la Cité des sciences et de l’industrie est placée sous une double tutelle: celle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et celle du ministère de l’Industrie.
Le Musée national des techniques
Créé en 1794 par la Convention thermidorienne, sous l’impulsion de l’abbé Grégoire, le musée fut d’abord nommé Conservatoire des arts et des métiers. À partir de 1798, plusieurs collections sont rassemblées dans l’ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs, à Paris, notamment les machines du célèbre inventeur Jacques de Vaucanson et les grandes collections de l’Académie des sciences. Le musée, enrichi tout au long du XIXe siècle par de nouvelles acquisitions, comporte aujourd’hui plus de 80 000 pièces illustrant la créativité technique du XVe au XXe siècle dans des domaines aussi variés que l’optique, la physique, la mécanique, l’énergie…
À l’origine, trois missions sont confiées au Musée national des techniques: la conservation des objets, témoins des progrès des sciences et des techniques, la mise en valeur et l’animation de ce patrimoine et, enfin, l’aide à l’enseignement en coopérant à l’éducation professionnelle des jeunes et à la formation continue des travailleurs.
Après un abandon de plusieurs décennies, des ensembles aussi exceptionnels que le laboratoire de Lavoisier, le fardier de Cugnot ou l’avion de Blériot sont actuellement tirés de l’oubli. C’est ainsi que, dans le cadre des Grands Travaux, le Musée bénéficie de rénovations d’envergure et d’un réaménagement in situ, concrétisé par une nouvelle inauguration du musée rénové deux cents ans après sa création. L’enjeu essentiel de cette remise en état est de faire du Musée national des techniques un lieu vivant des techniques d’hier et d’aujourd’hui en éclairant les liens entre sciences, techniques et société.
Le Muséum national d’histoire naturelle
Le Jardin royal des plantes médicinales fut fondé en 1626 par Gui de La Brosse, médecin de Louis XIII, afin d’offrir un complément pratique aux étudiants en médecine; il fut développé et agrandi par Buffon. L’ensemble, enrichi, devient, en 1793, le Muséum d’histoire naturelle. Ses collections sont phénoménales: 60 000 végétaux vivants, 200 000 minéraux, 60 millions de lots d’insectes et 800 000 pièces ethnologiques et anthropologiques. Le Muséum est l’une des trois plus importantes institutions mondiales par le nombre et la diversité de ses collections.
La conservation et l’enrichissement des collections, la recherche fondamentale et appliquée, l’enseignement et la diffusion des connaissances par le biais des expositions thématiques sont les trois missions du Muséum. Un chantier, ouvert en 1989, a transformé l’ancienne galerie zoologique en une gigantesque et spectaculaire «galerie de l’évolution».
Cette nouvelle galerie permet au grand public, et notamment aux jeunes, de se familiariser avec les différents aspects de l’évolution. À travers cette exposition, le Muséum souhaite que le visiteur puisse s’approprier une partie du savoir élaboré au cours des deux derniers siècles, et qu’il appréhende la relativité des conclusions scientifiques présentées et leurs questionnements. Elle est la preuve du rôle déterminant joué par l’évolution des sciences de la vie dans la conception des musées d’histoire naturelle.
Le palais de la Découverte
C’est le premier musée interactif des sciences français. Créé à Paris en 1937, à l’instigation de Jean Perrin, le Palais ne devait vivre que le temps d’une Exposition universelle. Mais le prix Nobel de physique, aidé par d’autres éminents scientifiques, comme Marie Curie, propose la création d’un musée de «science pure». Son projet, en faveur de la recherche fondamentale, prend le contre-pied du modèle d’organisation de la science allemande.
Dès sa création, le palais de la Découverte s’adresse prioritairement à ceux qui n’ont pas pu poursuivre des études et tient ainsi une fonction éducative. Par ailleurs, sa présentation sous forme de musée-laboratoire lui permet d’être reconnu comme une sorte de vitrine de la recherche, où l’expérience est le mot d’ordre pédagogique. La démonstration est l’une des particularités du Palais, elle incarne le socle de l’unité scientifique, primat de l’expérience sur la théorie dans la définition de la découverte.
Aujourd’hui encore, le Palais conserve sa démarche initiale: mettre en scène le fait scientifique et déclencher la curiosité du visiteur vis-à-vis de la science à l’aide d’exposés assortis de démonstrations et de manipulations; offrir à l’enseignement primaire et secondaire des illustrations vivantes de la science; et, enfin, sensibiliser le public aux questions scientifiques et faire naître des vocations.
L’augmentation des surfaces d’exposition, le renouvellement ou la création de certains espaces permettent au Palais d’atteindre de nouveaux objectifs: offrir à ses visiteurs un contact sans contraintes avec la science et les amener à une réflexion sur les pratiques scientifiques au-delà de l’acquisition des connaissances.
La Cité des sciences et de l’industrie
Ouverte au public en mars 1986, la Cité constitue la plus grande structure de vulgarisation scientifique et technique au monde, avec une surface de 150 000 m2. Plus qu’un musée, cette innovation architecturale, qui est issue de la transformation des anciens abattoirs de la Villette, à Paris, se veut à la fois un lieu de rencontre entre science et culture et une véritable cité avec des activités et des services. La Cité des sciences et de l’industrie s’est dotée, à sa création, de missions très précises: rendre accessible à tous le développement des sciences, des techniques et du savoir-faire industriel, participer activement à leur diffusion dans les Régions françaises et à l’étranger et, enfin, provoquer les réactions des visiteurs, surtout des plus jeunes, en faisant appel à leur capacité d’émerveillement et d’émotion afin d’enrichir leur savoir et de leur mieux faire comprendre l’univers dans lequel ils vivent.
Au début des années 1990, la Cité inscrit son action autour du loisir culturel à destination du plus grand nombre et d’une participation à l’effort éducatif de la nation. Expositions permanentes et temporaires, actualités scientifiques, rencontres, débats, médiathèque…: entre les spectacles ludiques et les conférences approfondies, le visiteur de la Cité peut choisir parmi une multitude de possibilités.
Sur le plan international, la Cité entreprend des actions d’ingénierie culturelle. Des échanges d’expositions et de personnels sont réalisés avec des musées étrangers.
Conçue à l’aube du troisième millénaire, il restera à son crédit d’avoir introduit les techniques modernes de communication: complexe immense et sophistiqué, la Cité est une entreprise culturelle alliant les dernières techniques d’exposition multimédias aux nouveaux modes de transmission des connaissances.
Le Deutsches Museum de Munich
Contrairement à la France, l’Allemagne, morcelée en de nombreux États, ne parvint pas à créer, au XIXe siècle, un grand musée des sciences et des techniques. En 1822, fut constituée à Munich une collection polytechnique générale de machines et de modèles mécaniques parmi lesquels figuraient ceux qui avaient été réunis par l’Académie des sciences de Bavière depuis 1759. Cette collection, ouverte au public, était destinée à promouvoir les arts et les métiers; elle avait pour vocation de mieux faire comprendre le rôle de la technique et surtout d’éveiller l’intérêt pour celle-ci.
Mais il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que soit fondé un musée des chefs-d’œuvre scientifiques et techniques. Cette initiative concordait avec l’émergence en Allemagne de progrès considérables dans les sciences naturelles, les techniques et l’industrie, progrès qui ont marqué profondément cette époque de leur empreinte. L’agencement du musée s’inspire de l’expérience accumulée par les instituts analogues, tels le Musée national des techniques de Paris et le South Kensington Museum de Londres.
Le Deutsches Museum, créé avec plus d’un siècle de retard, ouvre ses portes en 1925; il emprunte des voies différentes pour introduire le visiteur dans le monde des créations et des procédés techniques. Il a recours à des moyens didactiques particuliers: mécanismes que le visiteur peut lui-même mettre en marche, modèles en coupe d’appareils et de machines permettant de comprendre plus aisément leur fonctionnement, dioramas évoquant le rapport entre l’homme et la machine, et recréant l’ambiance de travail en atelier ou en usine, dessins explicatifs précisant le contexte historique général qui a conduit à une invention donnée.
Sa collection comprend près de 17 000 objets exposés au public et plus de 50 000 objets accessibles seulement aux spécialistes. Sa bibliothèque offre plus de 700 000 volumes et 5 000 périodiques.
Comme tous les musées techniques, le Deutsches Museum s’efforce de faire valoir un nouvel esprit et tente de rendre plus attractifs les objets qu’il expose. Son but est de devenir un centre vivant d’enseignement et de culture pour tous.
Le Science Museum de Londres
En Grande-Bretagne, comme dans la plupart des pays industrialisés, des musées scientifiques et techniques émergent. Ainsi, le Science Museum de Londres annonce que l’un de ses objectifs essentiels est de promouvoir the public understanding of science («la compréhension de la science et de la technique par le public»). C’est un grand musée national des sciences et de l’industrie de type classique et méthodique, qui dépend directement du ministère de l’Éducation et de la Science.
Son histoire commence lors de la seconde moitié du XIXe siècle. En 1851, l’Angleterre, dont le développement technique et industriel est relativement avancé, organise avec beaucoup de succès la première Exposition universelle. Les principaux protagonistes de cette manifestation sont les membres de la Société pour l’encouragement de l’art et des manufactures; ils forment un groupe appelé l’«Équipe du prince», en hommage à leur président, le prince consort Albert. C’est dans cette perspective qu’ils fondent en 1852 le South Kensington Museum, grâce au surplus de l’Exposition universelle et à la reprise d’un certain nombre d’objets qui y avaient été exposés.
C’est en 1909 que le Musée des techniques et des sciences naturelles de South Kensington change de nom pour devenir le Science Museum. Ses missions sont alors clairement définies: exposer les différentes branches de la science ainsi que leurs applications aux arts et à l’industrie, conserver les instruments qui ont joué un rôle dans le progrès de la science ou de l’histoire des inventions, répondre aux demandes des visiteurs menant des recherches relatives à la science et à l’industrie et, enfin, éveiller l’intérêt du grand public. De même, sa bibliothèque, qui comporte plus de 500 000 volumes traitant de science et de technologie, attire de nombreux chercheurs et étudiants. Dès sa création, sa démarche est fondée sur les besoins complémentaires ou concurrents de l’éducation, de la recherche et du loisir. L’accès d’un large public à une éducation et la promotion de la science restent ses objectifs prioritaires.
L’Exploratorium de San Francisco
En Amérique du Nord, on ne parle ni de culture scientifique ni de compréhension par le public de la science, mais plutôt d’une sorte d’«alphabétisation» ou d’initiation à la science. C’est dans cet esprit que l’un des plus originaux science centers américains a été créé: l’Exploratorium de San Francisco. Ce musée, installé dans un bâtiment municipal, n’est ni un chef-d’œuvre architectural ni une énorme exposition à la gloire de la science. Son originalité est due à la méthode qu’il utilise pour montrer au public des phénomènes scientifiques, et ce tout en mettant en œuvre une interactivité maximale, qui justifie son célèbre slogan, hands on («les mains dessus»).
Franck Oppenheimer fonde, en 1969, l’Exploratorium à partir d’une conception muséologique novatrice. Pour lui, la science et la technique doivent être présentées non pas rationnellement, mais sur le mode de la perception visuelle, auditive… afin de faire réagir le visiteur, de lui faire manipuler des objets et créer des impressions fortes qui vont de l’amusement à l’émerveillement. L’expérience, l’intuition et la curiosité qu’il développera pourront être, par la suite, transposées à d’autres secteurs de la connaissance.
Malgré son aspect ludique, l’Exploratorium est considéré comme un véritable outil pédagogique et se définit comme une institution vouée avant tout à l’éducation du public. Un des éléments majeurs de son succès est dû au souci esthétique des expériences proposées, faisant appel à l’art et à la science, tous deux nécessaires pour comprendre la nature et ses relations avec l’être humain. Les choix qui ont donné naissance à l’Exploratorium président toujours à son action: des modules nouveaux, mais liés aux options initiales, enrichissent sa collection permanente. De même, l’organisation (de conférences, de débats et de projections de films scientifiques) répond à une demande enthousiaste du public.
Ainsi, le musée scientifique et/ou technique recouvre des domaines divers et variés, à l’instar des capacités scientifiques et techniques, sans cesse accrues et renouvelées, du monde contemporain. Les objectifs et les choix qu’il se donne varient d’une institution à l’autre et correspondent aux besoins locaux, aux possibilités financières, etc. Malgré cette diversité de formes, un musée des sciences et des techniques porte en soi le témoignage de l’environnement matériel et culturel qui l’a vu naître. Par sa nature, ce musée est une institution tant éducative que culturelle et scientifique. Il se veut un système d’instruction non formel et volontaire.