Si le besoin de collectionner s’est manifesté dès l’aube de l’humanité, c’est dans la civilisation occidentale, particulièrement attentive à la conservation des témoignages du passé, qu’est né le musée. Celui-ci s’est ouvert à la présentation de l’ensemble des biens culturels, scientifiques ou techniques, artistiques ou ethnographiques, fonction à laquelle s’ajoute désormais celle d’information et d’animation, tandis que se multiplient échanges et expositions, pour un public sans cesse élargi.
Héritage des grandes collections aristocratiques issues de la Renaissance, concrétisation des idéaux d’éducation et de démocratisation du siècle des Lumières et de la Révolution, le musée est une institution qui connut son âge d’or au XIXe siècle, à l’heure de la prédominance européenne.
Aujourd’hui, une fois surmontée la crise d’identité des années 1960, les musées sont une composante essentielle du paysage culturel: partout dans le monde ils font peau neuve, et leur fréquentation s’accroît au rythme des progrès de l’éducation et du développement du tourisme. Toutes disciplines confondues, 18 000 musées étaient répertoriés sur la planète à la fin des années 1970. Leur nombre s’est notablement accru depuis, mais ce sont les pays riches – ceux de l’Amérique du Nord et de l’Europe, ainsi que le Japon –, qui en possèdent le plus, même si les pays en voie de développement se sont dotés à leur tour de musées.
Le mot «musée» (du latin museum, lui-même emprunté au grec mouseion), au sens le plus ancien, signifie «temple des Muses»: ces neuf divinités, selon la mythologie gréco-romaine, président aux arts libéraux. En France, si l’Académie, en 1762, voit dans le musée «le lieu destiné à l’étude des beaux-arts, des sciences et des lettres», l’Encyclopédie, dès 1765, y voit un «établissement dans lequel sont rassemblées et classées des collections d’objets présentant un intérêt historique, technique, scientifique et spécialement artistique, en vue de leur conservation et de leur présentation au public».
L’ICOM (International Council of Museums, ou Conseil international des musées), en 1974, a formulé une définition convenant à une multitude d’établissements: «Institution permanente, à but non lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, communique et expose, à des fins de recherches, d’éducation ou d’agrément, des témoins matériels de l’activité humaine et de l’environnement.»
Les musées d’art
Selon leur statut, les musées se répartissent en deux catégories: les musées publics, administrés directement par le gouvernement, les autorités régionales ou locales; les musées privés, indépendants, placés sous l’autorité d’un conseil d’administration. En France, la plupart des musées entre dans la première catégorie; la Direction des musées de France administre les neuf dixièmes du patrimoine muséal (musées nationaux et musées «classés» et «contrôlés» appartenant à des collectivités). Aux États-Unis, au contraire, la plupart des musées sont des fondations privées.
Par ailleurs, selon la nature de leurs collections, les musées se répartissent en musées généraux et musées spécialisés. Les premiers comprennent de nombreux départements, qui sont fonction de l’ampleur des collections, considérées de façon chronologique (de l’Antiquité à l’art contemporain) ou disciplinaire (peinture, sculpture, objets d’art). Les musées spécialisés sont consacrés à un artiste, une école, une période, une aire géographique, une discipline particulière, un type d’objets; certains présentent une collection léguée par tel amateur ou tel artiste.
Les premières collections
Le goût pour le regroupement d’objets d’art remonte à la plus lointaine Antiquité, tant en Orient qu’en Occident; il s’agissait de trésors relevant de préoccupations religieuses (objets cultuels ou funéraires) et auxquels le public n’avait pas accès, tandis que dans les cités et les grands sanctuaires grecs les objets précieux voués au culte des dieux étaient visibles (pinacothèque des Propylées de l’Acropole d’Athènes, trésors votifs de Delphes).
C’est à l’initiative des princes de l’époque hellénistique qu’on doit les premières collections profanes: ils accumulent peintures et sculptures – parfois très anciennes – et ouvrent des bibliothèques. Les Ptolémées d’Alexandrie resteront célèbres pour avoir fondé le Mouseion, sorte d’université où, aux frais du souverain et sous l’autorité d’un grand prêtre des Muses, viennent étudier des érudits et des savants de tout le monde grec. Pour alimenter ces collections se développe un florissant commerce d’objets précieux, qui bénéficiera, quelques siècles plus tard, de l’établissement de la puissance romaine sur le Bassin méditerranéen.
Convertis à l’art et au luxe par leurs conquêtes, généraux et gouverneurs, amateurs ou prévaricateurs, pillent les provinces et thésaurisent, se constituant de riches collections privées mais n’hésitant pas, pour renforcer leur prestige, à exposer les œuvres dans les lieux publics – thermes, théâtres, forums. Eux-mêmes mécènes, les empereurs favorisent ces expositions en engageant de vastes travaux. À bien des égards, les Romains innovent; à défaut de posséder les originaux, ils lancent la pratique des copies; ils se soucient de la conservation des œuvres – le traité de Vitruve sur l’installation judicieuse des pinacothèques en est la preuve –, s’inquiètent de la sécurité des objets présentés et inventent la fonction de gardien. Il leur manque toutefois encore sens de l’histoire et esprit de classification.
Avec l’expansion du christianisme et la chute de l’Empire romain, la collection privée d’art profane tend à disparaître en Occident. Des siècles durant, églises et abbayes restent les seules détentrices de collections artistiques. Manuscrits enluminés, pièces d’orfèvrerie et reliques somptueusement enchâssées ne peuvent, cependant, être assimilés à des richesses muséales: leur accumulation ne relève d’aucune intention historique ou esthétique. En effet, en un temps où les croyances font de la possession d’une relique un signe de prestige et de puissance, seule la fonction religieuse confère un sens à ces objets. Conçus par des artistes restés anonymes, ceux-là sont souvent modifiés, enrichis: le respect de l’œuvre et de son créateur est étranger à la mentalité médiévale. À partir du XIIe siècle, avec les croisades, la rencontre des mondes byzantin et islamique, le renouveau commercial, s’amorce une évolution: grands seigneurs et riches négociants européens, en particulier en Italie, s’entourent à nouveau d’objets précieux.
Naissance du concept
En Italie, le Quattrocento fonde un nouveau statut de l’art et de l’artiste, et régénère le mécénat. Humanistes éclairés, les princes entendent voir peintres, sculpteurs, architectes et poètes œuvrer à leur gloire. Le goût et la mode des collections se répandent: les œuvres contemporaines y sont confrontées aux antiquités, recherchées pour leur exemplarité. Les grandes familles italiennes, Este, Sforza, Médicis – c’est pour désigner leur collection de Florence que réapparaît le mot «musée» –, se déclarent protectrices des arts. L’Europe suit. Les collections princières – qui constitueront le fonds des grands musées – commencent à se former: celles des papes à Rome, des Valois puis des Bourbons en France, des Habsbourgs à Vienne et à Madrid, des Wittelsbach à Munich, des Hohenzollern à Berlin, des Romanov à Saint-Pétersbourg – celle des souverains anglais sera dispersée lors de la révolution du XVIIe siècle. Aristocrates et grands bourgeois imitent les familles régnantes: collections et cabinets d’amateurs se multiplient, objets d’art, curiosités naturelles et scientifiques y cohabitant dans un capharnaüm auquel une volonté de classement méthodique mettra bon ordre au XVIIIe siècle.
Ces collections restent le plus souvent à usage privé alors que se dessine, dès le XVIIe siècle, la notion de musée public, jugé indispensable au progrès des connaissances humaines. En 1683, Elias Ashmole, en faisant don de sa collection à l’université d’Oxford, fonde le premier musée véritable. En 1737, la dernière grande-duchesse de Toscane, Anna Maria Luisa, lègue la galerie des Offices à la ville de Florence afin que cet inestimable patrimoine n’échappe pas au public, alors que le rattachement de la Toscane à la Maison d’Autriche fait craindre un démembrement des collections. En 1753, à la suite d’un legs, le Parlement anglais vote la création du British Museum. À Dresde en 1746, à Kassel en 1760, à Vienne en 1778, des souverains éclairés ouvrent leurs collections au public. En France, malgré d’ambitieux projets, seule une infime part des collections royales est exposée, à partir de 1778, au palais du Luxembourg. Au XVIIIe siècle, cette émergence des musées s’explique par la diffusion des Lumières et les exigences d’une bourgeoisie soucieuse de démocratiser le patrimoine culturel. Muséographie et muséologie se développent, suscitant d’utopiques projets d’architecture muséale.
L’âge d’or des musées
La Révolution achève l’œuvre du XVIIIe siècle: elle proclame solennellement que le patrimoine culturel, jusque-là confisqué par une minorité de privilégiés, est la propriété légitime de la nation et doit servir à son éducation morale, historique, politique autant qu’artistique ou scientifique. Les collections royales, les biens de l’Église et ceux des émigrés sont nationalisés. Le musée du Louvre – alors appelé Muséum central des arts – est créé en 1793; le Consulat officialise la création de quinze grands musées provinciaux. Les guerres révolutionnaires puis impériales ont un effet décisif: les lois françaises sont appliquées dans les Républiques sœurs et les pays conquis, et de nombreuses créations muséologiques en découlent (Bologne, 1796; Anvers, 1797; Amsterdam, Rijksmuseum, 1808; Madrid, le Prado, 1809); de gigantesques spoliations bénéficient à la France napoléonienne (mais la majeure partie des objets sera restituée en 1815).
Tout au long du XIXe siècle, grands et petits musées se multiplient en Europe et dans les pays neufs. Le goût de l’histoire et de l’encyclopédisme, la volonté pédagogique ou le désir de prestige expliquent ce phénomène. Partout le musée public participe d’un projet politique; les objets présentés valorisent le patrimoine, symbolisent une culture vécue comme exemplaire, voire supérieure; le choix des œuvres vise parfois à légitimer un régime, à susciter une prise de conscience nationale. L’impérialisme européen se traduit par le pillage archéologique des pays dominés. Si les musées publics s’ouvrent à l’art contemporain – dès 1815, le musée du Luxembourg, que remplacera dans cette fonction celui de l’Orangerie en 1886, est consacré par l’État français aux artistes vivants –, les choix effectués dénotent un conformisme certain. C’est seulement par les legs et donations d’amateurs privés que des œuvres moins conventionnelles entrent dans les collections publiques. Par ailleurs, alors même que la glorification de l’ère industrielle s’accompagne de la création de musées spécifiques, la conscience de la disparition d’une civilisation rurale engage à la création des premiers musées d’arts et traditions populaires, surtout dans les pays nordiques.
Outre-Atlantique, les fondations privées se multiplient au rythme de la conquête du territoire et de l’enrichissement d’hommes d’affaires désireux de montrer leur attachement à la culture. Leurs collections, regroupant des œuvres achetées en Europe, sont éclectiques; l’art contemporain, considéré déjà comme un fructueux investissement, est largement représenté.
La diffusion planétaire du modèle occidental est sans doute à la base de la création de musées dans les pays colonisés ou au Japon, par exemple. Le musée est alors devenu une institution, et la photographie – qui favorise la reproduction des chefs-d’œuvre – sensibilise un public sans cesse élargi.
L’architecture muséale
Les musées étant abrités dès leur création dans les palais princiers, la question d’une architecture spécifique ne s’est pas vraiment posée. Les œuvres des collections royales y sont exposées dans des galeries au décor fastueux; le musée du Louvre (Paris), du Belvédère (Vienne), ou de l’Ermitage (installé dans le palais d’Hiver, à Saint-Pétersbourg) en sont des exemples.
Au XIXe siècle, le musée se veut le temple de la culture; son apparence extérieure fait référence aux grands modèles du passé: solennité de style néogrec ou néoromain, colonnades, frontons et sculptures à l’antique – du British Museum, de Londres, construit entre 1823 et 1847 par R. Smirke, et de l’Altesmuseum de Berlin, réalisé entre 1824 et 1828 par K.F. Schinkel, au Metropolitan Museum of Art de New York, dû à R.M. Hunt, et achevé en 1902. Parfois, le style choisi est plus composite: entre gothique et XVIIe siècle pour le Rijksmuseum (construit entre 1877 et 1885 par P.J.H. Cuypers), néo-Renaissance et néoclassique pour les bâtiments Napoléon III du Louvre ou le musée des Beaux-Arts de Lille. Dans ces édifices pompeux, les aménagements intérieurs dénotent un réel souci muséologique, où singulièrement l’éclairage détermine l’emplacement des œuvres: éclairage latéral des galeries du rez-de-chaussée réservées à la statuaire; éclairage zénithal des salles de peinture de l’étage, obtenu grâce aux toits en verrière. La présentation est solennelle, avec des effets répétés de symétrie. La visite-parcours de ces «temples de l’Art» est si épuisante, voire fastidieuse, que, dès le début du XXe siècle, le plan intérieur des musées est repensé, privilégiant les petites salles au décor moins riche et à la distribution asymétrique.
Les musées contemporains
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la remise en cause de leur rôle et l’évolution de l’architecture expliquent la mutation des nouveaux musées. Le bâtiment de la fondation Solomon R. Guggenheim, à New York, réalisé par Frank Lloyd Wright en 1959, s’affirme comme un modèle de rupture: au sein de cette tour de Babel renversée, les œuvres sont accrochées le long des alvéoles d’un parcours hélicoïdal, selon une pente descendante. À son inauguration en 1977, le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou crée l’événement: au cœur de Paris, une construction résolument high-tech, cage de verre aux vastes espaces modulables. (Très critiqués, les espaces intérieurs du musée ont été réaménagés par Gae Aulenti, en 1985, de manière plus traditionnelle.) En France, dans nombre de villes moyennes, des créations originales et fonctionnelles abritent des musées d’art contemporain (Saint-Étienne, Grenoble, Nice). Pour s’intégrer au site, le musée fait parfois délibérément le choix d’une grande neutralité architecturale (musée de Villeneuve-d’Ascq, fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence).
Agrandissements et rénovations
Dans de nombreux cas, les architectes ont dû, lorsque les musées manquaient de place, trouver des solutions originales. Pei Ieoh Ming est célèbre pour ses prestigieuses réalisations: nouvelle aile de la National Gallery de Washington, nouveaux espaces du Museum of Fine Arts de Boston et réaménagement du Louvre, avec la pyramide de verre. Partout dans le monde, les musées se modernisent.
Depuis les années 1970, nombreux sont les musées neufs qui se sont installés dans un cadre ancien totalement repensé: à Paris, le musée consacré au XIXe siècle dans l’ancienne gare d’Orsay et le musée Picasso dans l’hôtel Salé; à Madrid, le Centre d’art contemporain Reina Sofía dans l’ancien Hôpital général. Au cœur du Massachusetts, à North Adams, un ensemble industriel désaffecté se transforme en Museum of Contemporary Art (Mass MOCA), qui ambitionne de détrôner le MOMA de New York.
Les aménagements intérieurs
Si l’accrochage palatial avec profusion décorative tend à disparaître, le choix réside entre la manière neutre et dépouillée, voire clinique, et la mise en scène des œuvres. Une solution médiane a été élaborée – accompagnement discret mais savant, structuration de l’espace, qualité des volumes, des matériaux, de l’éclairage, mobilier sobre et fonctionnel: à la suite de Carlo Scarpa, et avec Gae Aulenti, les architectes et styliciens italiens en sont les spécialistes.
La présentation des œuvres doit désormais répondre à des préoccupations tant esthétiques que muséologiques; conservation (lumière, température, humidité) et sécurité tiennent largement compte des progrès technologiques.
Le musée d’art aujourd’hui
Les musées et la «muséomanie» sont à la mode. L’institution a pourtant traversé une sévère crise d’identité dans les années 1960, certains vouant à la disparition ces sanctuaires, ces mausolées propres à dissuader de l’art. Sacralisés, les objets y auraient perdu toute signification et leur accumulation aurait engendré la saturation. On en a dénoncé la cohabitation anarchique d’œuvres en surabondance, l’arbitraire des choix d’exposition, les valorisations excessives qui pénalisaient les œuvres moins célèbres laissées dans l’ombre. Privilégiant les valeurs d’une classe sociale élitiste, le musée aurait échoué dans sa mission démocratique. Les enquêtes menées par le sociologue français Pierre Bourdieu (l’Amour de l’art. Les musées d’art européens et leur public, 1966) ont souligné que la fréquentation des musées restait largement liée à l’origine sociale et au degré d’instruction, que le message délivré par les œuvres ne pouvait être appréhendé sans la maîtrise préalable d’un code, que les classes populaires se sentaient étrangères dans les «temples du savoir et du goût». Si l’on ajoute les critiques concernant les aspects vieillots, le manque de communication avec l’enseignement et la recherche, les problèmes de personnel, on mesure la profondeur de la crise et le chemin parcouru.
Aujourd’hui, les musées, repensés, rénovés, sont objets de consensus (ils réussissent même à intégrer les formes d’art les plus contestataires de l’institution). Presque tous bénéficient d’aménagements qui les métamorphosent en pôles d’attraction culturelle. Les progrès de la muséologie ont rendu caduque l’image du musée poussiéreux. Signalisation efficace, montages audiovisuels, livrets explicatifs, radioguidage accroissent la lisibilité des œuvres. Visites-conférences, cycles d’animation, relations avec le système éducatif changent les rapports du musée avec son public. Ateliers d’enfants et d’adultes concourent à placer le visiteur dans une attitude active. Zones d’accueil et de services (cafétéria, restaurant, librairie, carterie, boutiques), bibliothèque et centre de documentation diversifient les fonctions du musée.
Fidéliser et renouveler le public nécessitent de créer l’événement culturel médiatisé, notamment en organisant des expositions temporaires attractives (impliquant la collaboration avec d’autres établissements). Le musée ne néglige plus ses fonctions scientifiques: restauration des œuvres en laboratoire, recherches en histoire de l’art, élaboration de fichiers et édition de catalogues exhaustifs, tenue de colloques entre spécialistes.
Les ressources des musées
Le coût d’une mutation aussi ambitieuse est nécessairement élevé. Les subventions publiques pourvoient aux investissements – l’art est source de prestige – et au fonctionnement – politique culturelle oblige. Mais les musées publics n’hésitent plus à faire appel au mécénat d’entreprise. Les généreux parrains, pour qui l’art est devenu un excellent support publicitaire, préfèrent toutefois financer des «opérations» spectaculaires, telles que des expositions, plutôt que les prosaïques dépenses de fonctionnement. Pour les musées les plus fréquentés, billetterie, adhésions et recettes des boutiques assurent un complément non négligeable.
Les indispensables achats d’œuvres nouvelles pâtissent de la flambée des prix du marché de l’art. Certains musées ont recours à des souscriptions pour acquérir des œuvres jugées essentielles à la logique de leur collection (ce fut le cas au musée du Louvre pour l’achat d’une toile de La Tour). Les musées comptent toujours sur les legs d’amateurs éclairés et bénéficient, dans certains pays – dont la France –, de la lourde fiscalisation de l’héritage, ce qui génère de précieuses dations.
Le personnel
Désormais entreprise culturelle, le musée se doit d’avoir des exigences plus grandes quant à la qualification de son personnel. Le conservateur en chef est le responsable de la politique générale du musée. Ses collaborateurs, des conservateurs spécialisés, dirigent les départements. Archivistes, documentalistes, gestionnaires, attachés aux relations extérieures, techniciens sont partie prenante du bon fonctionnement. Conférenciers et personnel d’animation exercent une mission décisive auprès du public.
Un élément du dynamisme culturel
Le public des musées ne cesse de croître, et le musée fait désormais partie des loisirs de la classe moyenne; la hausse du niveau de vie, la généralisation des études secondaires, l’allongement des vacances et la facilité des déplacements expliquent une consommation culturelle en hausse. Le musée profite et participe de la médiatisation de l’art. On peut considérer qu’il existe deux catégories de visiteurs dans les musées: l’habitué, fidèle des collections permanentes, touriste culturel curieux des musées provinciaux et étrangers; le visiteur occasionnel, motivé par la publicité entourant une grande exposition ou soumis à la programmation d’un voyage organisé.
À la fin du XXe siècle, une approche quantitativiste de l’institution muséale débouche sur un constat d’indéniable réussite: multiplication et régénération des musées (il se tient même à Paris un Salon annuel des musées, preuve de leur vitalité), dynamisme culturel, fréquentation croissante. Le musée aurait-il réalisé l’utopie des Lumières, réussi l’appropriation culturelle désirée pour le plus grand nombre, ou n’est-il que phénomène de mode ou refuge consensuel à l’heure de la faillite des idéologies?