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Détection d’ondes gravitationnelles primordiales

La nouvelle a intéressé toute la presse, même la presse généraliste. Le radiotélescope BICEP2 (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization, version améliorée de BICEP, mis en service en novembre 2009), semble avoir vérifié l’existence des ondes gravitationnelles prédites par la théories de la Relativité générale en 1915.

Ces ondes sont très ténues(1). La modification de distance qu’elles créent en courbant l’espace-temps sur Terre est de l’ordre de 10-18 mètre, c’est à dire un millième de la taille d’un noyau d’atome. Ces ondes sont assimilables à des oscillations de la courbure de l’espace-temps. Albert Einstein en avait prédit l’existence en 1918 en se basant sur sa théorie de la relativité générale. Elles sont produites par des masses accélérées. Mais ceci demande de très grandes masses et de très grandes accélérations, à des vitesses approchant celle de la lumière. On pourrait les nommer des tremblements de l’Espace-temps.

D’ores et déjà, certains physiciens pensaient avoir observé des sources d’ondes gravitationnelles dans des systèmes astrophysiques impliquant des objets massifs et très denses comme les étoiles à neutrons ou les trous noirs manifestant de grandes accélérations. Mais les détecteurs terrestres, notamment l’interféromètre franco-italien Virgo, n’ont pas encore produit d’observations concluantes. Il était donc raisonnable d’en suspecter la production à la suite du phénomène le plus violent aujourd’hui concevable, l’inflation ayant suivi le Big Bang. Les résultats produits par BICEP2 présentent donc une importance considérable, tant au plan théorique qu’observationnel. Ils devront cependant être confirmés par d’autres observations, provenant notamment du satellite européen Planck. Celui-ci analyse l’ensemble du ciel alors que BICEP2 en a étudié environ 1%.

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L’inflation

L’observation de BICEP2 confirmerait très largement l’hypothèse d’Alan Guth, concernant l’inflation primordiale. Nous avons dans des articles précédents indiqué que la plupart des cosmologistes, malgré beaucoup de réticences, avaient fini par admettre ce phénomène. Elle seule expliquerait les variations de densité résultant de l’observation du fonds de ciel cosmologique, dont les plus récentes proviennent du satellite européen Planck. Selon Alan Guth, une fraction de seconde (vers 10-30 seconde) après le Big Bang, une courte mais extrêmement rapide phase d’inflation s’est déroulée. La taille de l’Univers a cru alors énormément, puisqu’il est passé d’un état condensé initial ayant émergé du vide cosmique, pour atteindre une taille dépassant largement celle de l’univers visible.

Quelques instants après l’inflation, les premiers protons se sont formés, donnant naissance ensuite aux premiers atomes de la matière aujourd’hui visible. L’inflation s’est très vite ralentie, mais selon l’hypothèse dite de l’inflation éternelle, elle continuerait à se faire sentir, entraînant une dilatation continue de l’espace-temps, qui éloignerait progressivement les galaxies et autres objets cosmologiques les uns des autres.

Durant cette phase extraordinairement violente de l’inflation initiale, des ondes gravitationnelles ont été émises. Les ondes générées dans l’Espace-temps primitif sont analogues à celles provoquées par un pavé tombant dans une mare. La matière, celle que nous connaissons, la matière ordinaire, et la matière noire supposée, dont la nature est encore inconnue mais qui serait cinq fois plus abondante que la matière ordinaire, aurait été agitée par deux types de mouvements dans cet univers primordial. Ceux provoqués par sa propre attraction sur elle-même, ce qui l’attire vers les régions de l’espace où des surdensités ont été générées par les fluctuations initiales. Mais aussi ceux qui proviennent du mouvement de l’espace-temps lui même.

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Elles sont provoquées par le couplage entre le champ responsable de l’inflation – un champ du même type que le champ définissant le vide quantique, dit champ de Higgs, doté d’une pression négative – et la gravitation et les interactions nucléaires (forte et faible) et électromagnétique découlant de l’apparition des deux sortes de matière.

La réception d’ondes gravitationnelles peut être polluée par l’émission des poussières de la Galaxie. BICEP-2 a été implanté en Antarctique, pour viser le pôle sud de la Galaxie, une direction où il y a beaucoup moins d’étoiles, de gaz et surtout de poussières qu’à son équateur. Il reste que des corrections sont nécessaires pour éliminer cet effet. Elles seront réalisées dans les prochains mois en utilisant les cartographies du fonds de ciel entier déjà fournies ou à fournir par Planck. Il convient donc d’attendre un peu avant d’attribuer une valeur définitive aux observations de BICEP2.

Dans ce cas, l’hypothèse de l’inflation et de ses suites, 380.000 ans aprè le Big bang, serait confirmée. Le mouvement provoqué par les ondes gravitationnelles aurait imprimé une polarisation dans la lumière, qui a pu s’exprimer lorsque les photons associés au plasma primordial ont été libérés lors de la formation des atomes. Jusqu’alors, ces photons, autrement dit la lumière, étaient englués dans la soupe de protons et d’électrons qu’était le cosmos. La capture des électrons par les protons, permise par le refroidissement et la dilution de l’Univers a provoqué cette libération sous la forme du rayonnement cosmologique, étudié par Planck et BICEP2.

L’observation de BICEP2 donne donc un crédit supplémentaire à la théorie de l’inflation. Elle pourrait même en être une détection directe. Elle va permettre également de faire un tri entre les nombreuses hypothèses suggérées par les théoriciens pour expliquer cette dernière. Inutile de souligner que tous ces travaux se placent, non seulement dans le cadre de la physique macroscopique, celle de Newton-Einstein, mais dans celui de la physique quantique. Ils permettront notamment de mieux préciser ce que pourrait être le champ de Higgs, assimilé par beaucoup au vide quantique, dépourvu de temps et d’espace, dont les fluctuations pourraient être à la source de la production des bulles d’univers dans l’hypothèse des multivers.

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Il est inutile de souligner l’intérêt philosophique que présentent aussi de tels travaux.

(1) Précisons que le type d’ondes gravitationnelles qui a été observé ici est différent des ondes gravitationnelles « classiques », comme celles découvertes par Hulse et Taylor, produites par des étoiles doubles ou des trous noirs. Ces ondes « classiques » sont en effet directement liées à la théorie de la relativité générale d’Einstein qui propose un modèle global de la structure de l’espace-temps. Elles n’ont pas encore été détectées directement mais pourraient bien l’être en 2015, grâce à la mise en service de deux interféromètres d’une extrême sensibilité : Virgo en Italie et Ligo aux Etats-Unis. Celles obervées le 17 mars 2014 auraient pour leur part été créées par des fluctuations du vide quantique régnant aux premiers instants de l’Univers.

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